En cette année du 80e anniversaire de la libération de la France, nous suivons les cheminots tout au long des étapes des combats : après l’évocation de leur rôle dans la paralysie du réseau ferroviaire qui devait emmener les renforts allemands vers les plages du Débarquement, lors des combats meurtriers de l’été 1944 et dans la semaine décisive de la Libération de Paris, voici la libération de Strasbourg, le 23 novembre 1944, étape décisive et surtout symbolique du recouvrement des territoires annexés pendant quatre ans.
Dix-huit mois après sa création le 1er janvier 1938, la SNCF, entreprise majoritairement contrôlée par l’État qui compte alors 500 000 employés, se retrouve rapidement plongée dans la guerre, puis dans l’Occupation qui la place sous la double autorité de l’occupant nazi et du régime de Vichy. Le réseau ferroviaire en France est alors non seulement un objectif stratégique majeur pour les forces en présence, mais aussi un bien essentiel à préserver : son rôle économique est vital pour la vie quotidienne des Français, confrontés aux pénuries alimentaires et aux difficultés de déplacement.
Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, alors que les troupes alliées se rapprochent des plages de Normandie, la BBC diffuse 210 « messages personnels » qui transmettent l’instruction de déployer sur tout le territoire les dispositifs de mobilisation de la Résistance intérieure dans le but d’entraver le mouvement des forces allemandes pendant le Débarquement.
Les cheminots qui ont fait le choix de rejoindre la Résistance sont appelés à conseiller et parfois à effectuer des actions de sabotage, en raison de leur connaissance du réseau et de leur accès aux informations sur le trafic ferroviaire. Ils jouent un rôle déterminant dans la mise en application du « Plan Vert » de coupures des voies ferrées élaboré dès 1943, qui permet à la « tête de pont » alliée en Normandie de tenir et, ensuite, aux troupes d’avancer vers le centre-ouest et Paris.
En effet, le général de Gaulle, ayant obtenu du général Eisenhower la mission de libérer Paris, lance la 2e Division Blindée pour délivrer la capitale. Issue de la « colonne Leclerc » des Forces françaises libres constituées en 1941 en Lybie et forte de 16 000 hommes et de 5 000 véhicules, la 2e DB qui a débarqué en Normandie le 1er août 1944 entre la première à Paris le 24 août 1944 avant de progresser vers l’est de la France et l’Allemagne au premier trimestre 1945. Fidèle au serment fait par Philippe de Hauteclocque « Leclerc » à Koufra le 2 mars 1941 : « Jurez de ne déposer les armes que le jour où nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg », la 2e DB entre à Strasbourg le 23 novembre 1944.
Comment les cheminots ont-ils participé à cette étape décisive de la Libération ?
Tout d’abord en combattant au sein de la 2e DB. L’annuaire des anciens de la 2e division blindée de 1949 ne compte en effet pas moins de 167 salariés de la SNCF déclarés. Bien sûr, seuls sont recensés les anciens de la division qui ont souhaité adhérer à cette association, et ceux qui ont déclaré leur profession. De plus, il s’agit de leur emploi en 1949, quatre ans après leur démobilisation.
Quoi qu’il en soit, nous y retrouvons des cheminots de tous grades et services et dans toute la France : L’annuaire les classe en des catégories inégales, « employés SNCF (indéterminés) », « chauffeurs », « ajusteurs », « cheminots » ; ils se déclarent pour leur part comme ouvriers, mécaniciens, dessinateurs, agent technique, chef de district, surveillant, surveillant de train, serrurier, rédacteur, tourneur, ou tout simplement « agent ».
Nous savons aussi que plusieurs sont morts au combat en 1944-1945.
Nous proposons ici deux parcours : celui de Raymond Persignant (ou Persigant), tué devant Strasbourg le 17 novembre 1944, et celui de Jean-Claude Huckendubler, qui a témoigné de son expérience de soldat.
Ensuite, en prenant les armes dans les rangs des F.F.I., forces françaises de l’Intérieur.
Enfin, en reprenant la direction du réseau alsacien dirigé par la Reischbahn pendant quatre ans et en rétablissant le trafic ferroviaire pour assurer les transports militaires qui accompagneront la progression des alliés pendant l’hiver 1944-1945.
Le Centre national des archives de la SNCF (Le Mans) conserve ainsi les fiches établies à la sortie de la guerre qui font état des décorations reçues par les agents de l’entreprise au titre de leurs services militaires . Or la croix de guerre, le plus souvent accordée, correspond à une « citation » dont le texte révèle la façon dont ils ont contribué à divers titres à la libération de Strasbourg et de l’Alsace.
Ces fiches ont été rapprochées des dossiers de carrière et de pension conservés par le Centre des Archives du personnel de la SNCF à Béziers pour en savoir davantage sur chacun : la diversité de ces portraits illustre la variété des parcours au sein de l’entreprise.
Il ne faut pas oublier les cheminots qui se sont engagés dans la résistance en zone annexée par le Reich allemand bien avant la Libération : pour leur rendre hommage, nous évoquons la figure de Georges Wodli, mort sous la torture dans la nuit du 1er au 2 avril 1943.
Deux parcours de cheminots qui ont combattu dans les rangs de la 2e Division Blindée :
Des cheminots membres des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.) qui ont participé à la Libération de Strasbourg :
Georges Wodli, symbole de la résistance cheminote en Alsace :